Républiques du pire
"Il est temps de s’apercevoir que « république » qui, conceptuellement, n’a jamais voulu dire grand-chose si ce n’est « état civil constitué », s’offre donc à tout dire, y compris le pire. On rappellera en particulier aux « républicains » d’aujourd’hui qu’il y eut en Italie une République de Salò, et que psalmodier « république » ne livre, par soi, que de minces garanties. Dans l’esprit d’Orwell, on leur accordera toutefois que si un fascisme peut revenir avec chapeau melon et parapluie roulé, tout ce qui porte chapeau melon et parapluie roulé n’est pas fasciste pour autant. Semblablement, il y a sans doute des amis de la laïcité et de la république qui ne partagent pas ce que d’autres font de la « laïcité » et de la « république ». Hélas, ce sont pour l’heure les faux-monnayeurs qui prolifèrent.
Alors on ne voit plus que la république du sas, la république qui conduit à la non-république, à la manière de Les Républicains appelant au démantèlement du droit républicain, et des Républicains En Marche vers la démolition, pièce par pièce, de la république. Un régime prend sa place dans l’histoire avec et par des images. Le macronisme occupe d’ores et déjà la sienne avec un lot exceptionnel d’images effarantes. Pas seulement celles des yeux crevés et des bras en lambeaux, mais aussi celles des lycéens de Mantes agenouillés, ou de journalistes mis en joue par des LBD, et, depuis ce matin, celle des carnets de correspondance contrôlés par des policiers en armes.
Et tous ces braves gens se croient bien certains de pouvoir tenir le haut du pavé moral. Ils parlent comme l’extrême droite, vont faire connaître leurs pensées dans des hebdomadaires d’extrême droite, ou sur des chaînes d’information continue d’extrême droite. Et c’est cela qui, non seulement prétend s’appeler « la république », mais voudrait faire baisser la tête à tous les autres. Bien sûr les fascismes historiques n’ont jamais eu grande considération pour les antifascismes. Mais jusqu’à présent ils se contentaient de les écraser. Désormais ils voudraient au surplus leur faire honte. Alors non, ça, ça n’ira pas du tout. Que nous n’y soyons pas encore n’empêche pas que nous voyions assez bien vers quoi ces « républicains » nous emmènent. Et toutes leurs éructations, toutes leurs saturations de l’espace médiatique, n’empêcheront pas non plus de redresser en conséquence les distributions de la honte. La honte, deux fois la honte, pour ceux qui liquident la république au nom de la république."