Tricotons le monde dont nous rêvons !
"Tricotons le monde dont nous rêvons !" Telle est l'invitation lancée par Tony Mazzocchin vendredi dernier à Voiron où il réside.
Il avait donné rendez-vous au public voironnais dans un café avec son tricot sans fin.
Créé en 2016 à Grenoble, ce tricot - une longue écharpe qui se tricote des deux côtés - voyage depuis dans d'autres lieux, villes et évènements différents. "Le but est de créer des liens, c'est aussi un éloge de la lenteur" explique Tony Mazzocchin.
L'artiste performeur n'avait pas choisi au hasard la date du 24 février qui marque le premier anniversaire de la guerre en Ukraine. Depuis un an, Tony utilise de la laine bleue pour son tricot qu'il avait commencé avec du jaune, "en soutien au peuple ukrainien qui se bat pour avoir le droit d'exister". Il avait déjà participé le 11 juin 2022 à la journée mondiale du tricot où il avait d'ailleurs fait la connaissance de rencontrer deux ukrainiennes.
MANIFESTE LAINEUX DIT L’ÉLOGE DE LA LENTEUR
Tout le monde un jour ou l'autre a porté un tricot fait par une mère, une sœur, une tante ou une amie. Ce manifeste laineux est un éloge, un hommage à ces personnes qui, sans crier sur les toits leur savoir- faire, emmènent sans rien dire le plaisir retrouvé et à jamais oublié, du geste ancestral qui est le tricot. Ce manifeste est un cri. Un retour aux valeurs d'enfance. Un retour à l'insouciance, un retour au bonheur, un retour à la douceur de vivre, un retour au plaisir simple,
le retour à la lenteur. Ce manifeste est l'hommage à la lenteur. Le tricot est un acte de transmission de conscience civique, dans un monde où tout va vite, tout se mécanise, tout s'industrialise, tout s'informatise, tout se standardise. Le tricot, est la maille oubliée, de l'homme moderne, pour trouver son bonheur. La maille manquante. Le tricot nous ramène lentement, sans aucune cadence imposée, avec un mouvement lent, répétitif, libérateur et jouissif. Le tricot nous replonge dans l'essentiel, dans la vraie essence de vie. Vivre lentement et à son rythme. Le tricot a son propre rythme. Le rythme du temps. Le tricot est le savoir-être dans son temps. Le tricot devient une aide philosophique, économique et sociale à l'émancipation de l'homme dans son temps et dans son environnement. Le tricot nous donne le plaisir sans être sous l'influence des modes, et sans être sous les contraintes du goût du marché. N'ayez pas peur des mots. Le tricot est plaisir. Le tricot est sensualité. Le tricot est érotisme. Le tricot est le plaisir de la matière sur la peau, le plaisir des sensations qu'il donne. Le tricot c'est le plaisir du toucher. Le tricot est notre deuxième peau.
Il faut aimer sa peau. Le tricot est un art de vivre, un art de partager. Une manière simple à la portée de tout le monde. Un acte qui ne coûte pas cher à première vue, mais qui a un prix inestimable. Le tricot par sa lenteur de création, aidera le monde actuel à éviter cette envie d'aller toujours plus vite, d'aller toujours plus haut, et dans l'éternelle illusion qu'on deviendra un jour, toujours plus forts, toujours plus puissants. Le tricot nous épargnera de cette course effrénée, qui nous emmènera nulle part. Dans le tricot il n'y a pas d'enjeu, pas de gloire, pas de course à l'argent, il n' y a pas de compétition non plus. Il y a juste le plaisir de s'asseoir, le plaisir de faire, le plaisir d'être là, le plaisir de réfléchir à ce beau monde si fier de lui, et si égoïste aussi. Vous les puissants, méfiez vous, du tricot. Le tricot par sa démarche peut devenir une arme. Sans provocation aucune, le tricot deviendra votre ulcère si vous lui faites la guerre. Le tricot descendra sur toutes les places de France et du monde. Le tricot sera votre châtiment suprême.
Le tricot est dans une autre dimension que la vôtre. Le tricot nous fait réfléchir autrement à notre condition humaine en société. Le tricot en quelque sorte est le refus d'accepter n'importe quoi. Nous vivons dans un monde où la technologie et l'économie ont pris le dessus des choses.
Tout doit aller vite...vite et vite... mais on s'évite. On passe à côté l'un de l'autre, sans se voir réellement, car on est pris dans un courant frénétique dicté par la machine économique dont la course est sans fin. On n'a pas le temps d'avoir du temps pour soi. Donc, pas le temps pour les autres non plus. Le tricot, par son action lente et détachée d'idéologie quelconque, devient un acte de désobéissance civile, un acte de terrorisme laineux au service de l'humanité. Le tricot pour être ce qu'il est, devient l'insubordonné absolu, de l'aller vite. En tricotant, on rejoint « le rouet de Gandhi ». Une toute petite chose, peut devenir une grande idée, qui peut mettre en difficulté une grande puissance. Le tricot, est la vitesse maximale que l'homme peut atteindre. Le tricot est la mémoire de l'homme. Le tricot est résistance. Le tricot est un combat contre la bêtise humaine. Le tricot est à l'endroit. Le tricot est à l'envers. Le tricot est en côte. Le tricot a la cote.
Le tricot c'est du plaisir. Vive le tricot!
Comme vous voyez le tricot est à la portée de tout le monde...
Tony M