Yoan Armand Gil
"Yoan Armand Gil regarde tous les arts dans l’optique d’une succession ininterrompue de leur histoire avec l’histoire des images, et agit dans de nombreux domaines – dessin, estampe, livre, sculpture, graphisme, musique, cinéma, performance… poursuivant une réflexion fluide. Il déplace des formes d’un lieu à l’autre comme part d’un continuum spatio-temporel. Image, assemblage de diverses parties ne résultant pas strictement d’un tout homogène mais reformées dans une unité parfaite.
Images sans littérature, mais pas sans architecte. Les sources, les indices, l’authenticité sont un jeu où abondent fausses pistes et traquenards. L’image est autonome, le commentaire également...
... Un art du détour, du décentrement, de la parodie, de la diversion, de l’insolence, du simulacre, de l’autodérision et de l’excentricité. Rendus divers, hors-temps et hors-champs cohabitent avec mise en pièces et collage. Dans les compositions, des lignes de force s’accentuent et se contrarient mutuellement, le regard est détourné de l’original cité afin d’agencer une image nouvelle pour un regard neuf. Dispersions, bifurcations, séries, citations, ruptures, répétitions sont les figures de style qui autorisent la survivance des strates empilées...
... Le mannequin, hiératiquement introduit dans ses toiles par Giorgio de Chirico, sublimé dans les poupées écartelées et reconstruites d’Hans Bellmer, objet néo-dada que les surréalistes désignent comme idéalement propice à provoquer ce sentiment freudien d’inquiétante étrangeté, est une carcasse vide, hyperréaliste, une coque sans chair que Yoan Armand Gil investit comme jouet, fusion d’humain, de mécanique poétique et de nature, parfois en autoportrait. Il joue de la confusion des règnes, végétalise la représentation de l’humain, nanti de chevelures de lichen, une touffe de mousse dans le thorax. Réminiscences des jardins maniéristes où la pierre et les plantes s’amalgament, l’art et la nature ayant renoncé à la partition.
Son oeuvre comme totalité cohérente est formée de dispositifs hybrides liés par une bibliothèque encyclopédique - au sens de réservoir - des arts, des sciences et des civilisations. Un goût pour le kitsch, le suranné, le décalé, la bella maniera et la transgression suscitent une oeuvre qui interroge le surgissement et la simultanéité des images avec une acuité puissante et originale."
Joëlle Busca