La France rance
Aujourd'hui c'est un article du média Contre-attaque que je relaie sur mon blog :
«Mais heuuuu !» : c’était l’expression fétiche, criée avec une voix niaise et un accent béarnais, de la marionnette de François Bayrou aux Guignols de l’Info. À chaque fois, son apparition à la télévision provoquait un fou rire dans le public.
Les lecteurs et lectrices de plus de 30 ans se rappellent que François Bayrou était une star de l’émission satirique de Canal+ : sa grosse tête était une caricature aux grandes oreilles et aux yeux rapprochés, l’incarnation du type tiède et stupide. À la longue, le personnage des Guignols était plus connu que le vrai politicien lui même. L’émission avait longtemps ridiculisé Bayrou devant toute la France, compromettant son ascension politique. Personne ne le prenait au sérieux, même les enfants se moquaient de lui.
Il faut dire qu’en 2007, son parti avait eu le bon gout de créer un clip reprenant la chanson de K. Maro, «Femme like you», mais avec en transformant les paroles par «Je veux François Bayrou». Pour les curieux, cette œuvre est toujours en ligne sur le compte officiel du Modem. En 2002, il avait giflé un adolescent qui lui faisait les poches. La réalité dépassait souvent la parodie.
En 2024, les Guignols de l’Info ont été supprimés depuis longtemps par Bolloré, et Bayrou est présenté depuis plusieurs jours comme un candidat sérieux à Matignon. Il vient d’être nommé à la tête du gouvernement français par Macron.
Bayrou est un «centriste» de droite, issu de l’UDF – Union pour la démocratie française – courant politique flasque qui va de Valéry Giscard d’Estaing à Jean Lecanuet en passant par Édouard Balladur. Une galerie de personnages politiques qui vend du rêve. Ce courant libéral et confus n’a jamais hésité à s’allier avec la droite radicale tout en tenant des discours faussement sociaux, par exemple pendant la présidentielle de 2007. Macron en est l’héritier.
Proche du président dès le début de son ascension, il a été son éphémère ministre de la justice après l’élection de 2017, et avait annoncé une «grande» réforme de «moralisation»… avant d’être visé par une procédure judiciaire pour abus de confiance, recel d’abus de confiance et escroqueries concernant des soupçons d’emplois fictifs. Un épisode qui aurait fait rire aux Guignoles de l’Info. Alors qu’il obtenait enfin un poste de pouvoir, il avait dû démissionner illico. Mais était resté conseiller du président.
En septembre dernier, François Bayrou, déclarait sur BFM à propos de la dissolution : «Le but de cette élection n’était pas de désigner un vainqueur mais d’écarter des gens dont on ne voulait pas».
On pensait naïvement qu’une élection servait à élire, et que les perdants devaient s’y conformer. Mais le macronisme réinvente les règles. Le «centriste» et «démocrate» Bayrou expliquait ainsi clairement que l’extrême centre n’a qu’un objectif, garder le pouvoir coûte que coûte tout en liquidant la gauche.
Bayrou c’est un peu la dernière cartouche de Macron. C’est son fidèle toutou qui n’a jamais réussi à gravir les plus hautes marches, l’éternel second rôle de la politique, qui rêve depuis toujours d’être nommé Premier Ministre. Bayrou, c’est celui qui ne peut rien refuser à Macron.
Politiquement, c’est un Michel Barnier bis. On imagine qu’il va probablement tenter de nommer un gouvernement «d’union nationale» avec des membres du PS, les socialistes ayant déjà prévu de trahir comme à leur habitude. Mais Bayrou est aussi détesté par le RN, qui se voit déjà au pouvoir et voudra le faire tomber.
Dans ces conditions, on voit mal ce qui pourrait empêcher une nouvelle motion de censure. Bayrou est le quatrième premier Ministre de la France en un an seulement – après Borne, Attal et Barnier – mais on voit mal comment guignol pourrait survivre plus d’un trimestre à la tête du gouvernement.