"Les habitants de ma tête"

Certains êtres, plus que d’autres, vont vivre en fonction de ce que Paul Klee appelle – pour décrire le processus créatif – « la nécessité intérieure ».

Hubert PASSE, sa vie durant, pour être fidèle à lui-même, a suivi cette « nécessité intérieure », refusant de subir pour créer son destin. Nécessité d’être « soi » qui peut aller jusqu’au non-être et frôler le néant…Et puis comprendre que ce néant est en soi comme au fond de chacun et décider de jouer sérieusement avec le monde dont on a compris l’ironie.

 

Lorsque Hubert PASSE décide de créer, il sait qu’il doit élaborer ses propres règles en même temps que son œuvre ; il n’agit pas ainsi par ignorance, mais par nécessité : l’univers conventionnel de la forme peinte ou sculptée il connaît. La différence entre une création et une copie, il connaît. Le vrai, le faux, le bon, le mauvais, virtuosité d’un savoir faire ou naïveté…Sa vie durant il a côtoyé, observé, touché, discerné des milliers d’objets ; des œuvres de toutes formes, matières, tailles, origines, époques et qualité, dont l’élaboration a obéi à des critères tellement multiples à travers les siècles, allant de l’utilitaire au spirituel, de l’exigence la plus haute à la tromperie la plus basse.

 

Pourtant, réussissant à dépasser cette connaissance érudite de l’œuvre, Hubert PASSE s’affranchit des conventions, nous proposant quelque chose, sorte d’évidence, qui semble échapper à toute classification et que nous avons pourtant le sentiment de re-connaître. Il en est ainsi d’objets archéologiques dont l’existence nous semble évidente même si l’on ne sait plus à quelle civilisation ou culture archaïque ils appartiennent, car ils sont le reflet de ce que l’homme possède en lui de permanent, quelle que soit le nécessité qui a motivé leur élaboration.

 

Ils sont ! Ils sont ce que l’homme doit exprimer impérativement pour exister à ses propres yeux, au-delà de la forme, puisque plus important que la forme elle-même : le spirituel, l’intellect, l’humour, le besoin de créer, la peur, la joie, en cela nous reconnaissons ces œuvres comme faisant partie de notre patrimoine du vrai.

 

Bien sûr, elles ont une forme, des couleurs, mais cet aspect extérieur échappe, par son besoin de vrai à toute classification artificielle de « style », à toute convention artistique. Lorsqu’elles sont belles, elles semblent ne l’être que « par hasard », lorsqu’elles ne sont pas belles, dans le sens de « joli », il semble que ce soit cela qui les rend plus forte et c’est après que l’on comprend qu’en fait elles ne sont pas « jolies » mais peut être « plus belles » que les autres et lorsqu’elles font rire, elles nous rappellent que le dérisoire et l’humour sont le propre de l’homme et que -comme les pleurs- le rire aussi est un aspect de ce qu’il y a de plus humain en nous.

Nous réconciliant avec le monde qui nous entoure, l’œuvre d’Hubert PASSE, indépendante de tout concept élitiste, s’offre à chacun ; œuvre libre, généreuse et de qualité, porteuse d’un vécu, portée par une matière au nom prédestiné : « la chaux vive », matériau privilégié pour un moment privilégié.

        De vie, de chaux et de couleurs, l’émotion est là….
Jacques DELVAUX